Apprendre à lire entre les lignes

Deux aidantes commentent la mise en place de la loi d’adaptation de la société au vieillissement et s’interrogent à la fois sur le fond et sur les dates de mise en oeuvre sur le terrain des mesures visant directement les aidants, le répit et son hospitalisation.

Publié le 16 janvier 2016

La première fois que j'ai lu que la future loi sur l'adaptation de la société au vieillissement introduirait un «droit nouveau», celui du droit au répit de l'aidant, je me suis sentie fière. Oui, enfin les aidants commençaient à être reconnus et surtout écoutés. Et cette satisfaction s'est renforcée quand j'ai lu également que le proche aidé serait pris en charge par le département si l'aidant était hospitalisé. Deux fois fière, car beaucoup d'aidants se sont retrouvés aux urgences faute d'avoir fait attention à leur propre santé, ou faute d'avoir pu se faire hospitaliser préventivement pour des soins nécessaires. Cette «première fois», cela remonte à fin 2013, début 2014, après la large concertation engagée alors par la ministre Michèle Delaunay. On parlait aussi de la possibilité que cette loi puisse être mise en vigueur dès fin 2014.

Depuis, j'apprends à lire entre les lignes.

Le « droit nouveau » au répit, et bien ce n'est pas pour tous les aidants, ce n'est que pour les aidants qui respecteront, comment dire sans offenser ?, qui respecteront certaines «caractéristiques» :

. le proche qu'ils aident doit bénéficier de l'APA (et que vont penser toutes les familles qui ont renoncé à l'APA car trop de contraintes ou parce qu'elles devaient supporter un trop fort reste à charge ?)

. le proche bénéficiaire devra être au plafond ou quasi plafond de l'APA dans sa catégorie de GIR, et de préférence GIR1 ou GIR2 (et que vont penser les familles qui estiment que la dépendance de leur proche avait été mal ou sous-évaluée par l'équipe médico-sociale ?)

. l'équipe médico-sociale du département sera seule juge si l'aidant est vraiment indispensable au maintien à domicile du proche aidé, et surtout, s'il n'a aucun moyen d'être remplacé (nous les aidants, nous savons bien la «réalité» de notre fratrie quand il s'agit d'être l'aidant)

. ce droit sera au maximum de 500 euros par an, et tiendra compte des ressources du proche aidé (je vois la tête des aidants qui auront à payer 90% du «droit à répit» qui leur sera attribué le cas échéant)

. ce droit étant attaché au proche aidé, il faudra préalablement que l'équipe médico-sociale ait complété sa nouvelle évaluation de la situation du proche aidé... et pour que l'équipe puisse le faire, il faut attendre le décret précisant les modalités du répit, sans doute aussi une circulaire de la CNSA détaillant le modèle attendu de nouvelle évaluation, sans doute aussi attendre que les équipes médico-sociales elles-mêmes soient formées à la nouvelle évaluation et que les systèmes informatiques des départements aient été revus afin de pouvoir intégrer les nouvelles mesures de la loi.

. pour l'hospitalisation, compte tenu du «silence» total qui entoure cette ouverture de la loi, à l'exception du chiffre de 992 euros qui serait le maximum de prise en charge par le département dans le cas d'hospitalisation, il faut attendre la publication du décret pour en savoir plus.

La ministre avait expliqué qu'il ne fallait pas mettre de contraintes inutiles sur les départements en réponse aux sénateurs qui demandaient le fléchage précis (et voulaient ainsi assurer la «sanctuarisation» des sommes dévolues au répit et à l'hospitalisation des aidants). Je crois qu'il faut lire dans l'explication donnée que la CNSA et les départements doivent pouvoir être libre d'utiliser à d'autres dépenses les sommes prévues pour les aidants si les «demandes» des aidants sont plus faibles que les hypothèses retenues à l'origine (78 millions par an pour les aidants). Et il y a un moyen infaillible pour que les demandes des aidants soient plus faibles : il suffit de repousser la parution des décrets, ou celle de la circulaire de la CNSA relative à l'application sur le terrain de ces décrets, ou de ne pas avoir le temps d'examiner les demandes des aidants en mettant en priorité d'autres actions des équipes, etc.

Lorsqu'on lit que les décrets «principaux» seront publiés avec la loi (ce qui n'a pas été le cas) ou au cours du mois de janvier (il reste 15 jours), je suis impatiente (réellement) de voir si les deux décrets attendus sur le répit et l'hospitalisation de l'aidant seront considérés comme des décrets «principaux» et feront donc partie des décrets publiés. Ou s'ils ne le seront pas. Moi, oui, je les considère tous les deux comme des décrets «principaux».

Lorsqu'on lit que la ministre a demandé aux départements d'être prêts quoiqu'il arrive pour le 1er mars, en réponse aux demandes exprimées début janvier par les départements de disposer de 6 mois pour pouvoir s'adapter à la nouvelle loi, c'est "très bien", mais concrètement sur le terrain, si l'informatique n'est pas prête, si les équipes ne sont pas formées, si les procédures ne sont pas mises en place, 1er mars ou pas, la révision des situations des proches aidés ne sera pas conduite, et donc aucun aidant ne se verra éventuellement attribué ce «droit au répit».

Et toujours dans l'exercice de la lecture entre les lignes, il faut se rappeler que les délais administratifs se décomptent «à partir de l'enregistrement du dossier complet»... Mais qui décide qu'un dossier est complet ? Combien de temps une administration dispose-t'elle pour examiner si un dossier est complet?

Comment ne pas sursauter aussi sur ce qu'a dit récemment le cabinet de la ministre Laurence Rossignol: « Les départements seront tenus de réviser tous les plans d'aide au plafond dans un délai de 12 mois et en commençant par les GIR 1 et 2 puis les GIR 3 et 4. Il faut donc qu'ils commencent dès le 1er mars sans attendre les dates anniversaire de la dernière évaluation». Alors que la nouvelle loi stipule que tous les plans d'aide devront avoir été révisés avant le 1er janvier 2017... Ce ne sont pas donc 12 mois qu'ils ont, ce ne sont plus que 10 mois si les départements commencent réellement le 1er mars... Mais c'est vrai que là aussi, un décret précisera... Et s'ils n'ont pas le temps de faire cette révision des situations ? Les bénéficiaires de l'aide APA verront une augmentation forfaitaire de leur aide, bien, mais en revanche, il n'y aura aucune attribution de droit à répit associée puisque cette attribution est liée à la révision de la situation...

La loi est en vigueur depuis le 1er janvier, vive la loi donc! Attendons maintenant les décrets d'application pour améliorer notre expertise de lecture entre les lignes sur le rôle essentiel des aidants et donc l'aide que souhaite leur apporter la loi et quand ! Puis attendons l'annonce des premières révisions de situation opérées, département par département ! Puis la publication (trimestrielle ?) du nombre des aidants qui se seront vus attribués ce «droit au répit» ! Puis la publication (trimestrielle ? annuelle ?) du nombre d'aidants qui auront exercé concrètement ce droit en prenant un répit (même court) !!

Comme le soulignait la ministre Marisol Touraine en septembre 2014, être aidant, «c'est un engagement très prenant, souvent épuisant, puisque les chiffres montrent que malheureusement, un aidant familial sur deux décède avant la personne qu'il aide. Il faut donc accompagner ces personnes en leur permettant de souffler et en leur offrant un soutien. Le texte que nous vous présentons ira plus loin en permettant aux 4,3 millions d'aidants familiaux de concilier l'aide avec leur vie professionnelle et en instaurant un droit au répit qui constitue une nouveauté absolument fondamentale. Ce droit au répit ne sera pas théorique ; il se traduira très concrètement par un soutien à hauteur de 500 euros par an et par aidant. Cette aide permettra par exemple de financer une semaine d'hébergement temporaire, quinze jours en accueil de jour ou encore vingt-cinq heures supplémentaires d'aide à domicile. De cette manière, nous travaillons pour la qualité de la vie au quotidien non seulement des personnes âgées, mais aussi de toutes celles et ceux qui les accompagnent et qui les soutiennent

On n'aurait pas mieux dit nous-mêmes.

Concrètement.

Emilie, Princesserouge et (nous espérons toutes deux) beaucoup d'autres aidants qui ressentent la même chose


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