Mistigri

Le vote de la loi ASV juste en fin 2015, les avancées réelles de la loi pour les aidants qui prennent soin d’un proche dépendant et bénéficiaire de l’APA, la reprise par différents médias des mesures phare de la loi, et donc le droit au répit pour les aidants concernés, autant de points qui peuvent paraitre positifs, mais qui laissent aussi des zones d’ombre que souligne une aidante. Cette aidante appelle des éclaircissements rapides, faute de quoi, dit-elle, les aidants continueront à être seuls «quand l’aide professionnelle quitte le domicile en tirant la porte derrière elle».

Publié le 12 janvier 2016

J'ai emprunté ce titre sur un billet d'humeur lu sur la Maison des aidants, mais il exprime si bien le sentiment que de nombreux aidants peuvent avoir. On parle de plus en plus des aidants, mais finalement, qui va vraiment jusqu'au fond des choses pour apporter tant la reconnaissance de ce que nous faisons que le soutien dont certains d'entre nous à bout de forces ont besoin impérativement à tel ou tel moment du parcours d'aidant ?

La #loiASV qui vient d'être votée ? Les médias parlent des « mesures phare » prévues pour les aidants, mais les décrets relatifs au nouveau « droit » au répit et à la prise en charge en cas d'hospitalisation ne sont pas encore publiés, si bien qu'il nous est encore impossible de mesurer l'ampleur de ce nouveau soutien.

La #loiASV applicable depuis le 1er janvier 2016 ? Oui, la loi a bien été promulguée le 28 décembre dernier, mais comme les décrets d'application relatifs aux mesures concernant directement les aidants ne sont pas encore sortis, tous les services restent au garde-à-vous et ne peuvent rien pour les aidants...

Le fléchage souhaité par les sénateurs pour que l'argent prévu pour les aidants en particulier leur soit bien affecté dans les comptes de la CNSA ? Ce fléchage de 78 millions d'euros annuels n'a pas été retenu dans le texte final, il est intégré au budget prévu pour les nouvelles mesures liées à l'APA. Et si les départements jugent qu'ils n'ont pas assez de fonds pour faire face aux demandes de révision d'APA, qu'est ce qui garantit que les aidants auront ces 78 millions ou 80 millions d'euros annuels?

Les départements ? Les départements disent qu'ils ne pourront pas mettre en place toutes les mesures prévues dans un laps de temps aussi court qu'un ou deux mois, et demandent 6 mois... Le répit des aidants devra « donc » attendre 6 mois de plus ? Et l'hospitalisation de l'aidant maintes fois repoussée devra « donc » attendre encore 6 mois ? Certains départements alertent même sur l'insuffisance des crédits CNSA pour faire face aux demandes...

La CNSA avait affirmé en janvier 2015 que tout serait fait pour être prête dès la promulgation de la loi. Mais sur le site de la CNSA, ou le site d'information http://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/, aucune information n'est encore disponible sur les modalités concrètes à suivre pour les aidants...

Pas plus d'informations destinée aux aidants d'ailleurs sur de nombreux sites d'aidants, comme si la loi ASV était un « non-évènement » pour ces sites et les mesures qui sont pourtant des avancées réelles... Peut-être attendent-ils que débute la campagne de communication annoncée par le gouvernement au mois de février pour savoir quoi dire ou monter au créneau ?

Et que dire de la mesure introduisant le congé de proche aidant en lieu et place de l'ancien congé de soutien familial, permettant désormais aux quatre millions de salariés-aidants plus de souplesse dans la mise en œuvre de ce congé (là au moins, la loi embrasse tous les salariés-aidants, pas seulement l'aidant d'un proche bénéficiaire de l'APA...) ? Pas un mot sur le site du ministère de l'emploi et du travail (et du dialogue social). Pas un mot sur de nombreux sites d'aidants qui ne parlent pas de cette évolution utile, même s'il faut attendre un décret d'application (un encore...) ? Qui va inciter les entreprises à en parler à leurs propres salariés-aidants ?

Alors quand tout est dit, et que la dernière aide professionnelle s'en va en tirant la porte derrière elle, les aidants seront seul s comme ils l'ont toujours été:

. seuls, parce que personne ne veut reconnaitre avec des chiffres leur contribution quotidienne. Serge Guérin l'évaluait à 164 milliards d'euros annuels pour les 8,3 millions d'aidants, aujourd'hui on est sans doute à 200 milliards d'euros pour 10 millions d'aidants. Une ministre avait qualifié ce chiffre de « sensationnel », et oui, il est sensationnel;

. seuls, parce que les départements n'auront sans doute pas les moyens de répondre financièrement et dans des délais courts à l'importance des demandes d'aides et de soutien des aidants, et donc les aidants continueront de payer avec leur argent et leur propre santé ;

. seuls, parce que de même qu'aujourd'hui des aidants préfèrent faire eux-mêmes la toilette de leur proche en respectant le rythme de leur proche, demain, ils peuvent continuer à se sentir seuls si l'équipe médico-sociale leur dénie un droit au répit parce que cette l'équipe jugera qu'ils ne sont pas « indispensables » ou qu'ils ne sont pas « seuls » à pouvoir assumer ce rôle d'aidant...

. seuls, parce qu'ils auront beau expliquer à leur entourage que l'APA maximale pour le plus haut niveau de dépendance avec la rallonge prévue dans la nouvelle loi, c'est au mieux 3 heures par jour alors que notre proche dépendant demande en fait une veille constante 24/24 (et que les 21 heures restantes, c'est donc personne d'autre que les aidants qui doivent les assumer jour après jour). Non, notre entourage ne « comprendra » pas ou ne voudra pas comprendre.

Thérèse, aidante


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